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joy division - Page 6

  • La carte postale du jour ...

    "Une des raisons de l'atmosphère asphyxiante, dans laquelle nous vivons sans échappée possible et sans recours ... est dans ce respect de ce qui est écrit, formulé ou peint, et qui a pris forme, comme si toute expression n'était pas enfin à bout." - Antonin Artaud, Le théâtre et son double (1938)

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    Je me souviens découvrir le clip de cette reprise de Joy Division par les Américains de Swans sur MTV, dans l'émission 120 minutes, en 1990, et les ériger immédiatement au plus haut rang dans mon panthéon musical. Je me souviens de leur concert Zurich en 1995, d'un final épique, puissant et très long, bruyant mais pas trop, fort mais supportable, fascinant, au point que j'ai écouter leurs disques en boucle pendant les semaines qui suivirent et ne jurer que par eux. Je me souviens avoir lu que Michael Gira regrettait d'avoir fait cette reprise de Joy Division, que c'était une demande de leur producteur de l'époque pour répondre aux attentes de leur major (Island), et pourtant, ce maxi contient deux superbes titres acoustiques : Our love Lies et Trust me, ballades austères et désespérées, qui accompagnent merveilleusement le superbe texte de Ian Curtis que Gira nous transmet de sa voix gutturale "When routine bites hard, And ambitions are low, And resentment rides high, But emotions won't grow, And we're changing our ways, taking different roads."

    Transmission aussi du côté du livre de Martin Page : Manuel d'écriture et de survie, ouvertement inspiré de Lettres à un jeune poète de Rilke. L'auteur y adresse des lettres à une jeune écrivaine, un ami prend forme, Martin Page y livre des anecdotes, son parcours artistique, son expérience, des conseils aussi, beaucoup de citations et de réflexions sur la littérature, qui permettent de se faire une idée - un portrait, presque - de son interlocutrice. C'est beau, honnête, souvent juste, et j'aime ce passage :

    "Chère Daria,

     Tu as raison : nombre d'artistes ont une vie misérable. Mais c'est le cas de beaucoup de personnes qui n'étaient pas artistes, tu ne crois pas ? Le cliché de l'artiste malade, pauvre et alcoolique sert à effrayer les aspirants. La pédagogie de la peur est une technique de contrôle mental.
     Nous n'allons pas mourir pour notre art, car ce serait faire une offrande à la société. À la question de Rilke dans Lettre à un jeune poète : "Explorez la raison qui vous commande d'écrire. Examinez si elle plonge ses racines au plus profond de votre coeur. Faites-vous cet aveu : devriez-vous mourir s'il vous était interdit d'écrire?", R.O. Blecman, le dessinateur du New-Yorker, répond : "Je ne serais pas un martyr de mon art. Si on m'empêchait de dessiner, je chanterais, je jouerais du piano, je tournerais un film, j'écrirais un roman. Mais je ne mourrais pas. Je serais comme la rivière bloquée par un obstacle: je changerais de chemin et créerais un nouveau canal. L'énergie créatrice ne peut pas être arrêtée."
     Plus facile à dire qu'à faire, certes. Il ne s'agit pas d'abandonner au premier obstacle, au contraire il faut être pleinement engagé. mais en se gardant de grands sentiments photogéniques. L'art est un paganisme et une pharmacopée. Y associer l'obligation de souffrance est le signe d'une obéissance masochiste à la morale majoritaire. On peut faire le choix de ne pas s'y conformer. Je ne dis pas qu'être artiste est simple : je dis que les douleurs viennent de la société et non de l'art, et qu'être fasciné par la souffrance c'est obéir."

  • La carte postale du jour ...

    "J'aimerais donc parler non pas exactement de notre relation aux œuvres d'art mais plutôt des traces de ces œuvres qui habitent notre vie mentale et qui affectent notre vision, notre perception et notre intelligibilité du monde. Je disais qu'il est de la nature des expériences esthétiques de transcender les objets qui en sont les déclencheurs. De fait, l'art perdrait une grande partie de son intérêt si l'activité qu'il suscite demeurait sans aucune applicabilité à la vie." - Laurent Jenny, La vie esthétique (2013)

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    Je me souviens de l'entrée du magasin de vêtements Anaconda, à Lausanne, qui utilisait une photo des filles de Strawberry Switchblade comme logo et qui fut autant une énigme qu'une révélation pour moi, post-adolescent alors à peine âgé de dix-huit ou dix-neuf ans. Je me souviens d'avoir découvert Since Yesterday par la belle reprise qu'en avait fait Current 93 en 1988 sur l'album Swastikas for Noddy que j'ai du acheter au début des années 90, pour ensuite tomber dans une échoppe de vinyles de seconde main sur le 45tours original des deux écossaises Jill Bryson et Rose McDowall, pratiquant cette sympathique bubblegum-pop aux accents new-wave sous le nom mutin des Strawberry Switchblade. Je me souviens aussi de ce joli portrait photo' que j'ai réalisé de Rose McDowall et son mari d'alors, Robert Lee, après leur concert au Château de Grandson en 1999 (utilisée plus tard dans le livre sur la musique Néofolk : Looking for Europe) et d'avoir oublié de me faire dédicacer le disque par la chanteuse ce jour là, ce qui me rend toujours nostalgique lorsque je l'entends chanter : "And as we sit here alone / Looking for a reason to go on / It's so clear that all we have now / Are our thoughts of yesterday".

    Les pensées d'hier je les retrouve à chaque relecture de ces Découvertes (trois fois à ce jour) d'Éric Laurrent. Riche de références (peinture, cinéma, musique, littérature), c'est presque un roman de formation, celle d'un enfant, puis d'un adolescent et d'un pré-adulte, au désir, mais aussi à la vie esthétique, aux expériences de l'art et des épiphanies qui en résultent, à la découverte du sexe aussi. J'aime son travail sur la phrase longue, alambiquée, l'emploi de temps rares, parfois, et de traiter de sujets qui sembleraient communs avec une intelligence remarquable, une tendresse précieuse, complexifiant le récit tout en gardant une belle fluidité. Et j'aime Les Découvertes probablement par que je m'y retrouve occasionnelement, comme dans cet extrait :

    "Nous étions devenus très vite assez proches, jusqu'à nous entraider lors des devoirs sut table. Nous déjeunions parfois d'une salade, d'un croque-monsieur ou d'un sandwich jambon-beurre dans l'un des cafés voisins du lycée, où cette insatiable lectrice m'entretenait intarissablement de romans dont, pour la plupart, j'entendais parler pour la première fois, mais que son enthousiasme contribuait, semaine après semaine, à me faire découvrir, tels Le Grand Meaulnes d'Alain-Fournier, Amok de Stefan Zweig, L'Écume des jours de Boris Vian, La nuit des temps de René Barjavel, L'Attrape-coeur de Jerome David Salinger ou bien encore le Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras, pour ne citer ici que ses livres de chevet, terme que je n'entendais jamais dans sa bouche sans un certain trouble, car s'y attachaient naturellement l'image de son lit et, par association, celle de son occupante, que je ne pouvais alors m'empêcher d'imaginer étendue sur le ventre, le menton dans le creux des mains, un roman ouvert devant elle, sa chemise de nuit retroussée sur ses jambes nues, si bien que ces ouvrages me semblaient, lorsqu'elle me les tendait au dessus de la table du café ou que je les lisais quand elle me les prêtait, plus que de simples volumes de papier imprimé refermant des histoires et des personnages, mais des fragments de son intimité, détachés du monde mystérieux de sa chambre, porteurs de tout l'inconnu inaccessible de sa vie la plus secrète, de son sommeil, de ses rêves, de ses plaisirs qui sait, voire de sa nudité, dont ils étaient les témoins quotidiens et muets et ne laissaient passer jusqu'à moi, dans un subtil bouquets d'odeurs de colle, de papier, d'encre et de parfum pour jeune fille, que la délicieuse mais douloureuse émanation.
    Quand le temps le permettait, nous allions ensuite nous allonger sur une pelouse du jardin Lecoq, où, les yeux fermés, coiffé chacun d'un casque relié au même baladeur, nous écoutions de la musique, généralement celle, dite planante, des groupes Pink Floyd, Genesis, Yes, King Crimson ou Tangerine Dream, ou celle, plus froide et plus lugubre, des Cure, des Cocteau Twins, de Siouxsie & The Banshees ou de Joy Division."

  • La carte postale du jour ...

     

    "Aimer vous condamne à la solitude." - Virginia Woolf, Mrs Dalloway (1925)

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    Intimement lié au label indépendant 4ad durant les années 80, The Wolfgang Press n'aura jamais percé, profitant peu du succès des groupes Cocteau Twins, This Mortal Coil et de Dead Can Dance, refusant le traitement arty du graphiste maison pour leurs propres productions ; ils restèrent ainsi à part, dans l'ombre, vendant peu, aujourd'hui complètement oublié. Et pourtant, s'il fallait retenir une chanson de cette première décade du label 4ad ce serait bien "Cut the tree" des Wolfgang Press, titre se trouvant sur la superbe compilation Lonely is an eyesore, où Mick Allen chante de sa voix de crooner gothique qui n'est pas sans rappeler Nick Cave ou encore Simon Huw Jones, "My face is history, it’s never forgiven me, I didn’t say that I was sound, I wouldn’t say that I was round, I couldn’t help but walk on two legs, I couldn’t help but walk with two eyes, I found that I was beckoned, never to be seen again, I see the man I want to be, his name is purity, He’s walking free, He’s walking free".

    Et pour rester dans l'esprit de 4ad, quoi de mieux que de lire cet énorme pavé signé Martin Aston intitulé "Facing the other way - The story of 4ad", véritable bible pour les amateurs du label super-esthétique et de son mentor Ivo Watts-Russell, de son graphiste génial Vaughan Oliver, de ses photographes trop souvent oubliés Chriss Bigg et Nigel Grierson, de ses groupes bien sûr, mais aussi de ses influences diverses, de Joy Division à Andrei Tarkovsky, et surtout de son rendez-vous manqué avec David Lynch, relaté à plusieurs reprises dans ce livre, comme une blessure qui n'arrive pas à cicatriser :

    "When David Lynch unexpectedly requested permission to use the song* - as well as Guthrie and Fraser** - in the anticipated prom scene to Blue Velvet, Ivo informed the pair about the offer. "I said that if they didn't like the idea, I wouldn't take it further. But they said "Yes, absolutely". I pleaded my case to the lawyers for Buckley's estate, saying it would give Tim's music exposure, but they didn't give a fuck about art, they just wanted their $20,000. I was heartbroken. In the end, the prom scene wasn't in the film either.""


    * La reprise de Tim Buckley par This Mortal Coil : Song to the siren
    ** Cocteau Twins

  • La carte postale du jour ...

    "Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors ; voire et quand je me promène solitairement en un beau verger, si mes pensées se sont entretenues des occurrences étrangères quelque partie du temps, quelque autre partie je les ramène à la promenade, au verger, à la douceur de cette solitude, et à moi.
    Nature a maternellement observé cela, que les actions qu'elle nous a enjointes pour notre besoin nous fussent aussi voluptueuses ; et nous y convie, non seulement par la raison, mais aussi par l'appétit : c'est injustice de corrompre ses règles." Montaigne, "De l'expérience", Essais, Livre III (1588)

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    Joy of Life fait partie de cette légion de groupes formés dans la continuité de Joy Division, étant plongée dans l'ombre de ces derniers et pratiquant ainsi une musique qu'en cette période (84-88) de moins en moins de personne n'avait envie d'entendre. Si son nom fait moins référence au livre éponyme de Zola qu'à une des vocalistes (difficile de dire "chanteuses" quand même) du groupe punk Crass - Joy de Vivre (très joli) - la musique de Joy of Life explore tout les clichés de la musique post-punk tendance gris sibérien - voix grave, basse en avant, guitare jouée à la lame de rasoir, rythmique martiale, synthé glacial -, mais dispose de tout le talent nécessaire à nous la rendre sympathique. On croirait d'ailleurs que les paroles sont des vulgarisations issues d'un recueil de Nietzsche, ou plus encore de Cioran, notamment sur le martial Warrior Creed où l'on peut entendre : "I have no home: I make awareness my home. I have no life and death: I make the tides of breathing my life and death. I have no divine powers: I make honesty my divine power. I have no means: I make understanding my means. I have no secrets: I make character my secret." ;

    Et de la joie de vivre aux odes à la Nature et à l'Homme de Giono, il n'y a qu'un pas. Écrivain de la terre et de "l’écho en soi de la souffrance de l’autre", j'admire Giono et plus particulièrement son recueil de nouvelles au titre évocateur : Solitude de la pitié, d'où je tire un extrait du texte le plus fantastique de tous - "Prélude de pan" - :

    "ça virait, ça tournait.
     On avait de la poussière jusqu'au ventre, et la sueur coulait de nous comme de la pluie, et c'était sur le parquet de bois un tonnerre de pieds, et on entendait les han, han, du gros Boniface, et les tables qui se cassaient, et les chaises qu'on écrasait, et le verre des verres et des bouteilles qu'on broyait sous les gros souliers avec le bruit que font les porcs en mangeant les pois chiches et il y avait une épaisse odeur d'absinthe et de sirop qui nous serrait la tête comme dans des tenailles.
     À vrai dire, dans tout ça, l'Antoine n'était pas pour grand'chose. Au milieu de tout ce vacarme, on n'entend plus sa musique. Elle était perdue, dans tout ça. On le voyait seulement au hasard des virevoltes, qui brassait son instrument avec la rage qu'on mettait, nous autres, à danser. ça n'était donc pas la musique qui nous ensorcelait, mais une chose terrible qui était entrée dans notre cœur en même temps que les regards tristes de l'homme. C'était plus fort que nous. On avait l'air de se souvenir d'anciens gestes, de vieux gestes qu'au bout de la chaîne des hommes, les premiers hommes avaient faits.
     ça avait ouvert dans notre poitrine comme une trappe de cave et il en était sorti toutes les forces noires de la création. Et alors, comme maintenant on était trop petit pour ça, ça agitait notre sac de peau comme des chats enfermés dans un sac de toile. C'est raconté à ma manière, mais je n'en sais pas plus ; et puis, c'est déjà bien beau de pouvoir vous le dire comme ça, tiré du mitan de cette chamade.
     La colombe s'était posée sur l'épaule de l'homme. Elle caressait du bec son aile malade.

    On dansait, comme ça, depuis, qui sait ? On ne sais pas.
     Et, tout d'un coup, je sentis monter au fond de moi comme une fureur ; l'abomination des abominations."

  • La carte postale du jour ...

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    Un vision, celle d'Yvo Watts-Russel, encore influencé par Joy Division, Pil et Wire, un label - 4ad -, une esthétique du son et de l'image qui, bien sûr, balbutie encore, mais qui n'en est pas moins présente, preuve en est avec ce quarante cinq tours des danois Sort Sol dont le texte quoique trop sobre et répétitif reste largement contrebalancé par un son digne des meilleures productions de Joy Division, tout en profondeur, basse en avant, langueur tranchante de la guitare électrique, voix abyssale, rythme ralenti à l'excès, tant et tant qui font de ce Marble Station un des meilleurs titres de la nouvelle vague du début des années 80, période où une partie de la jeunesse occidentale se pare de noir, où Tito meurt activant le naufrage lent du vaisseau Yougoslavie. On retrouve toute l'ambiance de ces années dans un roman écrit de façon simple, mais qui n'en reste pas moins intéressant car il nous plonge dans deux décennies de l'histoire yougoslave :

    "À Belgrade, on a jamais joué de meilleur rock qu'après la mort de Joseph Broz Tito. Avec son éternel amour et haine, Maria, mon copain Bané Yanovitch créait des groupes, très nouvelle vague, qui s'appelaient "Ombre acoustique", "Jeunes mais gros", "Estropiés par la peur" et, pour finir, "Lézards sauvages".
    Avec cette "nouvelle vague", se libéra dans notre ville un tel concentré d’enthousiasme, que même les statues s'étaient réveillées. Dans les rues de Belgrade. On pouvait entendre des claquements de dents fiévreux. Les yeux étincelaient. Je pouvais dire : Tout ceci est une chose qui m’appartient. Enfin ma ville m'appartient. C'est une chose qui fait partie de ma planète.
    Tout a commencé par la manière dont Bané Yanovitch saisit une médaille de la seconde guerre mondiale, pour acte de vaillance. Il ouvrir un briquet à essence et flamba une des agrafes. Il pinça fort un de ses mamelons et accrocha la décoration dans la chair nue. Il grinça des dents et dit :
    - Allons-y !
    C'est en ces termes qu'il exprimait son image d'artiste, de la façon la plus brève :
    1) Je suis désespéré.
    2) Je n'ai pas de copine.
    3) Je ne sais pas faire de la musique.
    4) Il y en a beaucoup qui le savent, mais il n'ont rien à dire.
    5) Je veux dire quelque chose, mais j'ignore comment.
    ...
    L'idée me traversa que, précisément, c'était ça, la nouvelle vague belgradoise - une conquête de soi. Jamais de ma vie je n'avais vu Bané aussi sérieux. Il était le chef indien Cheval fou. Il était un derviche dans sa transe tournoyante. Bané tenait le micro à deux mains et, d'un pied, il marquait le rythme. J'ai ressenti de la fierté et de la jalousie. Il osait ce que ne n'avais jamais osé, moi. Il osait être ce qu'il était. Sur la scène, Bané était désormais un homme qui danse sur des charbons ardents. Il était désormais le prophète qui, d'un regard, ouvre les cieux et, de ses talons, fait jaillir des sources. De Bané se déversait de la fumée.
    De lui s’échappait la chose la plus merveilleuse et la plus terrible de l'univers. En l'observant au cours du concert, je compris que toutes les institutions de ce monde ne sont que des murs de protection élevés autour du charisme. Cette puissance prophétique a le pouvoir de métamorphoser un désert en oasis, celui de faire se relever les infirmes, de mettre en fureur les indolents, de remplir les yeux de larmes.
    Le projecteur changea de couleur, Bané également. Maintenant, il était vert, semblable à un esprit du peyotl. Était-ce l'homme auprès de qui j'avais grandi? Des fourmillements descendirent le long de mon dos lorsque Maria, en courant, fit son apparition sur scène, avec son saxophone. Elle aussi, elle s'était métamorphosée.
    Bané était fier de lui et tragiquement grave. Sa poitrine, portant la médaille pour acte de bravoure, se gonflait. De la sueur ruisselait le long de ses tempes. Il ne chantait plus. il regardait Maria, c'est tout. Elle leva le saxophone et souffla. Et ce fut comme lorsque Béhémoth siffla, dans le Maître et Marguerite. Elle souffla et un vent terrible se leva. Elle souffla et les rideau flottèrent. Elle souffla dans les voiles de nos âmes. Une énorme bourrasque nous emporta. Maria se tordait en arrière, pareille à un marin sur un voilier et le timbre du saxophone nous soulevait. La salle remplie d'une foule qui exultait était devenue le vaisseau du Hollandais Volant. Maria soufflait das les voiles d'un vaisseau qui survolait la ville et le monde. Tous, nous avions la certitude qu'ensemble nous allions nous
    envoler vers un univers qu'habitent des méduses urticantes, des géants et les esprits du peyotl."